Affaire Fanou Comores

Azali Assoumani : la répression continue au prix du sang des jeunes Comoriens 

Signé Karisera, le 09 octobre 2024

Qui était Mohamed Abdou, alias Fanou ?

Mohamed Abdou, surnommé Fanou, était un jeune homme comorien de 20 ans, issu d'une famille modeste de la région d'Itsandra. Soldat engagé dans l'armée depuis deux ans, il ne faisait pas partie de ceux qu'on associe habituellement aux contestations politiques. Pourtant, le 13 septembre 2024, Fanou a commis un acte inattendu : il a agressé physiquement le chef de l'État comorien, Azali Assoumani, à Salimani, sa ville natale.

Alors que les raisons exactes de cet acte demeurent floues, beaucoup voient dans ce geste désespéré l'expression de la frustration croissante des jeunes Comoriens, désemparés face à la gouvernance d'Azali Assoumani. 

Depuis plus de 20 ans, la mauvaise gestion du pays, la corruption omniprésente, et la répression des voix dissidentes ont plongé le pays dans un marasme socio-économique sans précédent. Le chômage et la précarité touchent de plein fouet la jeunesse comorienne, tandis que l'accès à une éducation et des opportunités de formation de qualité reste un rêve lointain pour beaucoup. 

Cette colère, souvent réprimée dans le silence, commence à se manifester de manière de plus en plus visible. Fanou, en tant que jeune membre de l'armée, semble être l'un des reflets les plus tragiques de cette radicalisation progressive des jeunes aux Comores, frustrés par un avenir sans perspective. 

La mort mystérieuse de Fanou : un jeune sacrifié au système ?

L'agression du président Assoumani n'a laissé que des blessures légères à ce dernier, mais pour Fanou, l'histoire a pris une tournure fatale. Selon les autorités, il a été "maîtrisé" par les forces de l'ordre après l'incident du 13 septembre et placé en garde à vue. Mais le lendemain matin, la nouvelle tombe : Mohamed Abdou est retrouvé mort dans sa cellule.

Officiellement, la version de la justice comorienne parle d'un décès sans cause apparente, rejetant toute suspicion de violences. Cependant, lorsque la famille de Fanou a récupéré son corps pour l'enterrer, la réalité semblait bien différente. Plusieurs journalistes et témoins ont rapporté des traces de tortures, incluant des blessures par arme à feu et arme tranchante. Le corps du jeune homme présentait également des ecchymoses laissant penser à l'usage de matraques, suggérant un interrogatoire violent qui aurait mal tourné.

Face à ces révélations, les autorités ont tenté de minimiser l'affaire. Le médecin militaire Naoufal Boina, proche d'Azali Assoumani, a établi un certificat de décès affirmant qu'il n'y avait "aucune trace d'armes". Une justification qui n'a fait qu'intensifier les suspicions autour d'une volonté d'étouffer la vérité.

Le calvaire d'une famille sous pression

Le 25 septembre 2024, alors que l'affaire semblait déjà bien compromise, la justice a officiellement clôturé le dossier, refusant d'enquêter plus avant sur les circonstances de la mort de Fanou. Cependant, la famille du jeune homme n'a pas trouvé la paix. Ses proches ont fait l'objet de pressions continues, certains étant régulièrement convoqués et arrêtés par la gendarmerie, sans motif clair.

Particulièrement éprouvée, la mère de Fanou, Aboukaria Ahamada Abdillah, a été contrainte de s'exprimer publiquement lors d'une interview orchestrée par l'influenceur Nono, un proche du régime, pour tenter d'apaiser la situation. Dans cet entretien, elle semble brisée, tentant de réconcilier son immense chagrin avec le besoin de préserver ce qui reste de sa famille. Elle admet que le corps de son fils portait des traces de coups de matraques, contredisant ainsi le rapport officiel.

Cette déclaration, obtenue sous la pression, semble avoir permis la libération temporaire de plusieurs membres de la famille. Toutefois, cette relative accalmie ne cache pas l'ombre d'un pouvoir qui persécute sans relâche toute forme de contestation, même après la mort.

Le règne d'Azali : un cycle de répression et de terreur

L'affaire Fanou n'est que la dernière d'une longue série d'abus perpétrés sous le régime d'Azali Assoumani. Depuis son coup d'État en 1999 et son retour au pouvoir en 2016 via des élections largement contestées, Azali a instauré une gouvernance fondée sur la peur et la répression. Entre 2016 et 2022, plus de 500 dossiers de violations des droits humains, dont des disparitions et des assassinats politiques, ont été recensés aux Comores.

Cette brutalité étatique vise à garantir une mainmise sur le pouvoir jusqu'en 2030, malgré la contestation croissante. Fanou, dans son geste désespéré, incarne les frustrations d'une génération sacrifiée, étouffée par un régime qui se maintient à tout prix.

L'affaire Fanou, par son déroulement tragique et l'acharnement dont sa famille est victime, jette une lumière crue sur l'impunité et la violence d'un système qui piétine non seulement les droits de ses citoyens, mais aussi leur humanité. Si Azali Assoumani et ses proches continuent de réprimer toute tentative de révolte, l'histoire du jeune Fanou risque de devenir un cri de ralliement pour une jeunesse en quête de justice.